Depuis une vingtaine d’années, les pouvoirs politiques s »inquiètent de l’effet de l’érosion, ce phénomène universel et intemporel, sur le littoral girondin. Plages diminuées, constructions menacées, digues effondrées… à Lacanau comme à Lège-Cap-Ferret, les tempêtes à répétition ont accéléré le grignotage de la côte.
Entre les années 50 et aujourd’hui, la côte sableuse a reculé de trois mètres par endroits, à Lège comme à Lacanau. Pour 2025, les prévisions sont bien plus alarmistes : 25 mètres de côte pourraient être engloutis par les eaux, et 50 mètres d’ici 2050.
Comment l’érosion a-t-elle été calculée ? Quels sont les chiffres de ce phénomène en Nouvelle-Aquitaine ? Notre équipe vous aide à y voir plus clair.
L’indicateur national de l’érosion côtière
La loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », adoptée le 08 août 2016, prévoyait la création d’un indicateur national de l’érosion côtière, pour rendre compte de l’évolution de trait de côte entre deux dates.
Pour calculer cet indicateur, le CEREMA (centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) s’est appuyé sur une méthodologie spécifique développée en quatre étapes :
1. Le choix des marqueurs du trait de côte
Avant de pouvoir comparer les anciens traits de côte (1920-1950) avec les récents (2005-2011), il faut repérer ce que l’on nomme des « marqueurs ». Ce sont eux qui permettent de déterminer le tracé suivi par la côte. A l’aide de photographies aériennes, le CEREMA a relevé plusieurs marqueurs naturels, notamment : la limite de la végétation, le haut ou pied des falaises, les cordons de galets, etc. Ils serviront de référence pour montrer l’évolution du trait de côte.
2. La digitalisation de ces marqueurs
Une fois les marqueurs repérés, il faut vérifier qu’ils apparaissent aussi bien sur la période 1920-1950 que sur la période 2005-2011. Il est indispensable de relever les mêmes marqueurs sur les photos anciennes et récentes, pour obtenir une comparaison du trait de côte la plus fiable possible.
Si les marqueurs sont bien visibles sur les deux périodes, ils sont ensuite digitalisés. Cela permet d’obtenir deux tracés de la côte : un ancien et un récent, qu’il va falloir ensuite comparer.
3. Le calcul de l’indicateur
A l’aide de « profils » disposés tous les 200 mètres (traits verts sur l’illustration ci-dessus), le CEREMA a ensuite mesuré la distance entre les deux traits de côte. Le calcul est effectué seulement si les marqueurs naturels (évoqués plus haut) sont bien présents à la fois sur le trait de côte ancien et sur le trait de côte récent.
Par exemple, si une maison est présente sur le trait de côte de 2011 mais pas en 1937, aucun calcul n’est effectué à cet endroit.
4. La représentation des résultats
Une fois les taux d’évolution calculés, il convient de les visualiser. Le CEREMA a choisi de classer l’évolution du trait de côte selon 9 catégories.
• Quatre catégories représentent l’érosion, avec un dégradé de couleur allant du jaune au marron selon son importance. Elles comprennent le recul du littoral allant de 0.5m à 3 mètres par an
• Une catégorie bleue est nommée « non perceptible » lorsque l’évolution est égale à 0.
• Quatre catégories représentent au contraire l’avancée du littoral, avec un dégradé de vert. Elles comprennent les valeurs allant de +0.5m à 3 mètres par an.
• Une dernière catégorie, grise, regroupe les points non calculés par manque de données ou par absence de marqueurs identiques sur les deux périodes.
Malgré une volonté affirmée de précision, le CEREMA précise tout de même que l’indicateur national d’érosion est à prendre avec précautions.
La principale limite méthodologique relevée par le CEREMA est « l’utilisation d’une simple ligne pour représenter un milieu très complexe ». Les marqueurs naturels évoluent avec le temps, rendant la représentation des traits de côte dépendante des variations de l’environnement.
Si les taux calculés prennent en compte les aménagements humains, il reste cependant difficile de dire s’ils ont eu ou non une influence sur l’érosion.
Pensé comme un indice national, il peut parfois différer des études mises en place au niveau local.
Le relevé des marqueurs conserve lui aussi une part d’incertitude, due par exemple à la qualité des clichés aériens ou à l’interprétation de l’opérateur chargé du calcul.
La marge d’erreur quant à la position du trait de côte est donc de 10 mètres de part et d’autre du tracé pour le trait de côte ancien, et de 5 mètres pour le trait de côte récent.
De fait, les résultats de l’indicateur national « peuvent ne pas refléter la situation actuelle observable dans certains secteurs ».
Source : Cerema, décembre 2017, «Spécification technique de l’indicateur national de l’érosion côtière». En ligne sur le site internet Géolittoral
Clara Echarri et Marti Blancho